C’est quoi l’esprit critique ?

Avant d’entamer notre propos, il est essentiel de donner une définition du sujet. Pour cela, nous ferons bref, simplement avec deux définitions de dictionnaires.

L’esprit critique renvoie à la façon dont une personne « examine la valeur logique d’une assertion, l’authenticité d’un texte ».

Un être faisant preuve d’esprit critique est une personne « qui n’accepte aucune assertion sans s’interroger sur sa valeur ».

Bien évidemment il s’agit déjà de faire un distingo fondamental qui n’est pas évident pour tout le monde. Le terme intégré de « critique » n’a aucune valeur péjorative. Bien des gens pensent que « critiquer » = dire du mal, porter un regard négatif sur quelque chose. Il n’en est rien. Au contraire, porter un regard critique sur quelque chose, c’est tenter de voir la chose dans sa globalité, avec ses avantages et ses inconvénients, et donc faire preuve d’une objectivité maximisée dans nos jugements. Pour précisions, le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, propose des définitions claires et précises. Critiquer c’est donc :

  • être capable de juger un être, une chose à sa juste valeur, de discerner ses mérites et défauts.
  • la faculté de juger un être, une chose à sa juste valeur en faisant preuve d’objectivité.
  • Dont le discernement s’accompagne de doute quant au bien-fondé des valeurs absolues, des règles, des conventions.

Voilà, le décor est planté! Nous pouvons continuer.

Nous allons voir dans une première partie quel est le lien à éclairer entre les croyances et les faits, qui sont la base de notre capacité « critique ».

Puis……………………………………………..

D’où viennent nos croyances ?

Qu’est-ce-que je désigne en parlant de « croyances » ?

Oui, dans la vie, nous avons tous des croyances. Elles nous permettent d’avancer en faisant des choix, en fonction de ce que nous croyons être « vrai, bon et juste ». Croire renvoie à un choix, car il est des croyances qui peuvent sembler « manquer de preuve », ou tout du moins, la personne croie en quelque chose, même si elle n’en a pas concrètement fait l’expérience. C’est le cas de la religion par exemple.

Ici, il est assez simple de compter vos propres croyances. Celles dont vous êtes conscient. Nul doute que vous en ferez rapidement le tour.

Mais nous avons aussi chacun bien plus de croyances que nous ne pensons. Nous restons souvent très longtemps (voire éternellement si on évite ardemment de se poser des questions) dans l’inconscience des croyances qui sont au fondement de chaque être humain.

Chacun d’entre nous fonctionne sur un système de croyance, unique et singulier : celui que nous avons forgé au fil de nos expériences depuis notre venue au monde. Ce sont ces croyances qui guident le plus souvent nos réflexions et nos actions, ainsi que nos émotions, nos jugements, nos engagements, nos choix de vie. Elles sont tellement profondément ancrées qu’elles échappent à la prise de conscience.

Cependant notre Salut tient partiellement dans ce rapport entre prise de conscience et choix d’action en conséquence.

En clair, si vous agissez régulièrement en vous disant à vous-même après-coup : « mais bon sang!! c’est plus fort que moi! je sais qu’il ne faut pas dire/faire comme je viens de le faire, mais pourtant je n’ai pas pu m’en empêcher! et je connais d’avance le résultat, qui ne me satisfera pas plus que les fois précédentes! pourquoi je suis comme ça? « … et bien sachez que ce sont vos croyances inconscientes qui vous ont amené à agir (ou dire) « malgré vous », malgré votre intention (qui peut être totalement contraire) autrement.

Tant que nous ne faisons pas ce travail de recherche sur ces pensées qui nous manipulent de l’intérieur, nous resterons dans l’incompréhension de nos propres comportements, émotions et pensées.

C’est ce dont vous entendez de plus en plus parler autour de vous : l’existence et le pouvoir de nos « croyances limitantes ».

Pourquoi parle-t-on de croyances limitantes ?

Ce qui vient créer un obstacle majeur dans notre parcours est quant à lui bien plus en lien avec nos croyances inconscientes. Trop peu de personnes reconnaissent leurs propres croyances de fond

Comme nous venons de le dire, les croyances limitantes sont généralement inconscientes, mais il peut arriver que nous les énoncions de vive voix, sans nous rendre compte du pouvoir destructeur de certaines paroles. C’est par exemple le cas du : « je suis trop nul(le)!! » ou « je n’y arriverai jamais ». Ces termes sont des révélateurs précis du contenu de nos croyances inconscientes, et ce sont ces éléments qui nous empêchent, nous entravent, nous freinent ou nous sabotent complètement, juste sous notre nez.

Lorsqu’on le thérapeute commence à soulever le voile sur cette instrumentalisation négative autodestructrice, il faut vous dire que ces croyances, en premier lieu, sont presque toujours contestées avec véhémence. « Non!!! pas du tout!! je ne crois pas ça! ». Cette affirmation défensive, très fréquente car spontanée, représente en quelque sorte le niveau 1 avant la possible ascension libératrice. Le niveau 2 est déjà le signe d’une capacité sûre à exercer sa réflexion : « je ne crois pas que je crois cela au fond de moi » (et parfois c’est néanmoins vrai! le thérapeute fait des erreurs comme tout humain). Le niveau 3 est généralement le moment où la personne se rend compte que cette croyance dirige sa vie depuis bien longtemps (en partie, bien entendu).

Celui qui se refuse à l’analyse de son vécu, traverse le monde au fil de ses pas, au hasard, sans tenter de leur donner une direction quelconque. Il tourne en rond, revit le même type d’expériences, et ne comprends jamais pourquoi. Entendons-nous bien : il n’y a pas de jugement à porter là-dessus, car la plupart de ces personnes n’ont pas eu la chance d’accéder à une éducation riche ni à un enseignement qualitatif sur « comment gérer leurs éprouvés et comment les transformer ».

Comment reconnaître ces personnes inconscientes de leur inconscient ?

Si vous demandez à ces personnes de justifier leur opinion, elles répondent généralement « ben, parce que », ou encore « c’est comme ça », ou bien « un tel l’a dit » (voire les 3 en suivant). Elles ne voient pas beaucoup de liens entre causes et conséquences dans les événements de la vie quotidienne.

Aussi, sans exercer leur jugement, elles tendent à se rallier aux paroles des autres, sur des critères qui ne garantissent pas la validité de ces dernières. Ils acquiescent devant l’avis de leur interlocuteur, ou du dernier qui a parlé. L’effort de critique est rejeté. Le principe d’économie est en action, avec une maxime défensive très pratique bien qu’elle n’ait pas d’origine claire « moins j’en fais, mieux je me porte ».

Un enfant pense très longtemps « comme ses parents », puisque c’est à travers leur modèle qu’il a appris à penser le monde. C’est inévitable. Et c’est aussi pourquoi l’adolescence symbolise le moment où le jeune rejette tout le système de croyances qu’il a connu, pour apprendre à se forger sa propre pensée, ses opinions, doivent-t-elle même être différentes de celles de son entourage. C’est un grand tournant dans le développement de l’esprit critique.

Exemple de « comment se forme une croyance ? »

Un exemple d’une transmission de croyance très commune. Là je vais uniquement parler d’une croyance consciente pour voir comment elle se créée et comment elle se modifie au fil des années.

Reprenons donc le thème des croyances religieuses, ne serait-ce qu’au niveau le plus bas (« Dieu m’a donné un foie », pas comme à Ophélie Winter???? ). Mais comprenez bien que les croyances portent sur tous les domaines de nos vies ; cela va bien au-delà de tout principe religieux. Je vous conseille donc de continuer votre lecture même en l’absence d’une foi quelconque, ne serait-ce-que pour comprendre le chemin d’une croyance d’une personne à une autre.

Il était une fois…

Votre grand-mère était une pieuse femme, elle priait tous les jours depuis son plus jeune âge. Pour elle, AUCUN DOUTE, Dieu existe. Alors forcément, lorsqu’elle a eu son enfant, elle a agit selon les croyances que la foi lui dictait : elle a fait baptiser sa progéniture car le baptême symbolise la bénédiction de Dieu, et l’acceptation de l’âme du défunt dans son paradis. Pour un chrétien, la croyance se traduit par exemple ainsi : baptiser = protéger = bienveillance= amour vrai.

Votre mère a donc naturellement été amenée à suivre un catéchèse très strict et est donc allée, tout aussi naturellement, dans une école privée, dirigée par des bonnes sœurs. Dans ce jeune âge, on est d’accord, ce n’est pas elle qui décidait. Elle faisait confiance aux jugements de ses parents, qui eux, agissaient avec la satisfaction profonde d’être fidèles à leur croyance et de les transmettre aux futures générations.

C’est donc tout aussi naturellement que votre mère vous a inscrit à 7 ans au catéchisme, pour écouter la vie de Jésus. Vous êtes allés jusqu’à la Communion, privée, solennelle et la confirmation.

Pendant 25, 30 ans, vous avez grandi, élevé dans les croyances de votre entourage.

Et puis un jour, vous remarquez lors d’un mariage que ça fait bien 20 ans que vous n’avez pas mis les pieds dans une église, et que vous ne priez plus au coucher depuis belle lurette. Pourtant vous n’avez pas la sensation d’avoir changé quoi que ce soit.

Evolution et transformation de la croyance

A force de chercher ce qui s’est passé, Vous vous rappelez juste que lors de vos 14 ans, grand-mère est tombée très malade, est partie à l’hôpital. Vous l’avez vue diminuer dans son lit de soins, et elle continuait de vous demander de prier. Vous l’avez fait de tout votre cœur : « Dieu donne à ma grand-mère plus de temps et la santé, moi aussi j’ai besoin d’elle pour avancer dans ma vie ». A ce moment-là, vous croyiez de toutes vos forces, c’était presque évident que les choses rentreraient dans l’ordre et que votre grand-mère se remettrait rapidement de sa chute.

Malheureusement, elle n’a pas survécu à une énième opération. Et là, vous ne comprenez plus. « Ce Dieu, on me l’a décrit comme bon et juste, bienveillant et protecteur…je le supplie de me laisser encore un peu quelqu’un que j’aime et voilà ce qu’il fait de mes prières ??? »

C’est là que votre foi en a pris un sacré coup. Et que vous avez commencé à douter. Douter des actions de ce Dieu, douter de ses intentions…puis peu à peu, douter de son existence, et douter de la parole de ceux qui vous ont affirmé son existence. Vous vous rendez compte que vous ne l’avez jamais vu, vous, ce Dieu. Et que l’on ne vous a apporté aucun FAIT, seulement une croyance. Et pourtant, vous-même quand vous êtes devenu parent, vous avez tenu absolument à baptiser votre enfant, parce que… « on ne sait jamais ».

Je vous donne cet exemple car il est très fréquent et illustre bien comment nous pouvons obéir à des croyances même lorsque nous avons la sensation de nous en être émancipé, ou du moins, même après les avoir remises sérieusement en question.

Pourquoi a-t-on besoin de développer notre esprit critique ?

Des comportements de plus en plus accélérés ou « quand la pensée s’enfuit »

Notre société connaît un progrès numérique fulgurant d’année en année. Tout doit toujours aller plus vite. Je ne ferai pas de commentaire sur ce lien entre rendement ultra optimisé et burn out… on verra plus tard en détail.

Résultat : une génération « zapping » : trop de choix tue le choix . Les parents que je rencontre expriment fréquemment leur désarroi devant la capacité hautement décuplée de leurs enfants à se lasser rapidement d’une activité, d’un jeu, d’un sujet qui semblait pourtant faire sens pour eux. Nous sommes passés à une génération qui veux tout tester, tout essayer, mais sans prendre le temps de connaître le sujet. Tester n’est pas s’intéresser. Tester n’est pas apprendre à connaître un sujet, une activité. Tester n’est pas développer une passion et l’explorer sous différents horizons. Tester c’est essayer une fois et passer « à la suite ». Enfin tester est devenu l’un des moyens les plus efficaces pour ne pas penser. Nous sommes entrés dans une société du comportement, mais la pensée en est détachée. « Pourquoi ai-je envie de faire des arts martiaux ? Quelles sont les valeurs que j’y trouve et qui me parlent de qui je suis ? Qu’est-ce que je cherche à développer comme compétence pour améliorer ma qualité de vie ? »… de plus en plus de réponses semblent se répéter avec l’aplomb et l’assurance déterminée de celui qui se refuse à penser. Aussi en demandant à un ado ce qui lui plaît, ce qui compte pour lui, quels sont ses intérêts, ses envies pour l’avenir, il répond franchement : « chai pas ! ».

Cela engendre un développement de la passivité. Je regarde les écrans sans pouvoir prendre du recul sur toutes ces images que j’ingurgite. Coupure de la pensée, mais aussi coupure des émotions.

A cette question qui semble simple « que ressens-tu là, juste maintenant ? »… la réponse reste intacte « j’sais pas ». Et ce n’est pas feint. C’est vrai, ils ne le savent pas. Nous ne leur enseignons pas les émotions, leur normalité, leur rôle transformateur, leur sens. Chacun semble ignorer à présent que son émotion traduit un état d’âme, un état d’être. Les émotions ont été complètement coupées des pensées, et de la réflexion. Quel sens peut on trouver à sa vie, et à ce monde, sans ces précieux outils qui nous constituent ?

La solution est souvent reliée au problème : les écrans, et internet notamment, sont utilisés à présent par tous, dans le monde entier. C’est une mine incroyable de culture, d’informations à traiter, d’échanges à développer.

Mais c’est aussi l’antre de la bêtise, de la procrastination, du temps perdu à ne rien faire. Et il est facile de se laisser absorber par ces tentations qui répondent parfaitement à l’un de nos principes fondateurs : le principe d’économie (on y vient un peu plus loin).

Mais pourquoi finalement ne pas remettre en question cette aberration!?=> => parce que cela demande un effort (CQFD).

Alors on regarde en masse les médias les plus ancrés, la chaîne TF1, ses journalistes connus à défauts d’être reconnus. La majorité des gens continuent de regarder la première chaîne. Sûrement parce que c’est la première, on commence par le début. On trouve rapidement une image qui nous capte. Même une pub. On se prend à avoir envie d’acheter quelque chose alors qu’on avait besoin de rien auparavant. Le manque se fait sentir. « Ah heureusement ce bon Jacques Legros prend la parole pour me dire la vérité du monde. »

N’est-ce pas ce que sont censés faire les journalistes après tout ?

Une information maîtrisée et contrôlée dont les grands journalistes sont rémunérés par l’ETAT ou « la disparition de la neutralité de l’information ».

Dans la pensée collective le journaliste est un chercheur d’informations, et il est l’intermédiaire qui relaie ces informations aux personnes, justement pour leur permettre de se faire un avis sur la question : LEUR avis sur la question. Que cet avis soit vrai ou faux est une autre histoire. Mais déjà nous sommes sortis de ce contexte depuis longtemps. Et depuis le Covid, c’est devenu GRAVISSIME. Sur les chaînes principales le discours est le même : alarmiste. C’est l’émotion cette fois qui est transmise derrière l’information. Cette émotion dont plus personnes ne sait que faire à part se soumettre. Mais les mots qui sont employés ne sont plus neutres, point du tout, ils sont choisis, pour incarner leur pertinence catastrophiste d’une situation (qui en fait n’est pas catastrophiste pour un sou).

La prosodie (le ton de voix) des journalistes en vogue est marquée par le caractère grave, sérieux. Les termes choisis sont forts, engagés. Ils ne communiquent pas une information, ils communiquent un état d’esprit. Et notre cerveau absorbe, sans rien dire. Il se contente d’adopter l’état d’esprit qu’on lui a enseigné sur toutes les chaînes de médias célèbres.

Alors c’est la peur qui domine la population. C’est la culpabilisation qui transpire dans les messages soi-disant bienveillants « protégez vos proches »…ben oui, ça a bien plus de chance de fonctionner ainsi, j’aurai sûrement fait le même choix (si mon objectif était de domestiquer des millions de personnes dans un temps record, car PEUR + CULPABILISATION = MEILLEUR LEVIER EMOTIONNEL pour manipuler la victime avec son consentement, c’est pas génial ça?)

Qu’est-ce-qui altère nos capacités de jugement ?

  • La naïveté :

La naïveté a du charme, et dévoile la pureté de l’innocence. On est naïf facilement lorsqu’on ne connaît pas le sujet dont l’autre nous parle. C’est à ce moment-là que l’on veut bien « croire sur parole ». Mais ce choix est une erreur car elle donne à autrui les plein pouvoirs ; elle le place dans le statut de « celui qui sait tout, et mieux que soi ». Or cette croyance se révèle bien souvent erronée. L’autre peut en effet avoir des domaines de compétences mais il n’est pas réaliste de penser que tout ce qu’il transmet est parole d’évangile.

  • La résistance à avouer franchement : « je ne sais pas » :

Il est important de lutter contre la facilité en osant simplement avouer une chose que tout le monde refuse d’admettre et qui est pourtant une simple vérité : dire « je ne sais pas ». Autant l’adolescent a souvent un recours exagéré à cette phrase destinée à dire « je ne sais pas et je ne cherche pas à savoir » ; autant une fois adulte, il devient quasi impossible de reconnaître que l’on ne sait pas. Comme si l’adulte était supposé tout savoir, de tout, dans tous les domaines. Comme si dire « je ne sais pas » c’était une sorte d’aveu honteux.

  • la confiance excessive en l’autre :

Il y a des personnes qui sont décrites comme « parano » (dans le sens populaire du terme) ; celles qui ont tendance à voir du mensonge ou de la persécution à tout bout de champ. D’autres ont au contraire une tendance naturelle à faire confiance à l’autre, quel qu’il soit. Ils répondent à une idée profondément ancrée selon laquelle « il y a du bon en chacun » et que l’autre ne peut vouloir nous nuire. En effet, les « sur-confiants » croient que puisqu’ils ne veulent de mal à personne, qu’ils ne se moquent pas, ni ne se montrent agressifs, alors l’autre n’a aucune raison de vouloir les duper, les abuser. Malheureusement il y a beaucoup de mensonges dans nos vies, qu’on le veuille ou pas. Dr. House disait très à propos : « Tout le monde ment ». Que celui qui n’a jamais menti me jette la première pierre !

Autant il y a des gens qui dans nos vies nous auront prouvé que nous pouvons leur donner notre confiance (ils ont été présents dans les bons comme les mauvais moments, ils prennent toujours de nos nouvelles, ils vous ont donné des conseils avisés qui vous ont vraiment aidé, etc..), autant d’autres personnes ne méritent pas d’emblée notre crédulité. Faire Trop confiance en l’autre peut nuire au bon développement de notre propre opinion. Il doit y avoir des gens de confiance, qui sont des piliers de stabilité, des gens que nous savons que nous pouvons croire. Mais ces gens ne sont pas bien nombreux au final. L’excès de confiance en la parole de l’autre vient altérer notre esprit critique en nous empêchant de la remettre en doute.

  • la soumission a l’autorité (Milgram)

Autre tendance très importante qui engendre une acceptation aveugle de ses déclarations : la soumission à l’autorité. Nous avons une tendance très forte à donner tout le crédit à des personnes reconnues « expertes » en leur domaine. Comme nous nous percevons comme inférieurs dans leur domaine de compétence, nous ne nous autorisons pas en remettre en cause les comportements et les pensées de ces personnes. L’exemple qui va vous parler a été réalisé par Milgram dans une expérimentation qui date de 1963.

Cette expérience évalue le degré d’obéissance d’un individu devant une autorité qu’il juge légitime et permet d’analyser le processus de soumission à l’autorité, notamment quand elle induit des actions qui posent des problèmes de conscience au sujet. En quelques mots. Cette expérience mettait en lien 3 personnes :

  • un expérimentateur, volontaire pour réaliser cette étude, proposée sous un faux prétexte au départ : l’apprentissage
  • un acteur qui est équipé d’électrodes
  • un autre acteur, en blouse blanche, qui lui confère donc une certaine autorité.

Évidemment l’acteur et le Docteur sont complices. Seul l’expérimentateur ignore tout du contenu réel de l’expérimentation.

Dans le protocole, L’acteur assis sur une chaise doit réaliser des combinaisons de mots, à chaque erreur de l’acteur, l’expérimentateur est chargé d’envoyer un choc électrique à celui-ci et ce sous le regard du scientifique qui lui donne des instructions et qui veille à ce que les consignes soient respectées. L’acteur est visible pour l’expérimentateur qui peut observer sa réaction au choc électrique. L’expérimentateur est donc chargé d’envoyer ces décharges à chaque erreur, et ce tout en sachant que l’acteur en souffrira. Les chocs pour l’acteur étant évidemment factices, il joue alors le jeu d’une douleur intense et de la torture à l’expérimentateur. Le but de l’expérience : voir jusqu’où ira l’expérimentateur sachant qu’il fait du mal à l’acteur, ce alors qu’il ignore que c’est un acteur, et que selon lui est il est dans des conditions estimées légitimes et justifiées par le caractère scientifique. L’intensité des décharges montait graduellement de 45 à 450 Volts (et le sujet était cobaye au départ d’une vraie décharge de 45 Volt pour évaluer l’intensité de la douleur que recevrait l’acteur).

Les résultats ont été complètement opposés aux prédictions. Les scientifiques avaient fait l’hypothèse que moins de 2% des expérimentateurs accepteraient de pousser l’intensité des chocs à leur maximum. Mais en présence de « la blouse blanche » qui leur disait « faites-le », ils ont été 62% à obéir sans poser de question. Pourtant ils savaient bien (par les cris qu’ils entendaient chez l’acteur) que ce qu’ils faisaient devenait de plus en plus douloureux, et ressemblait de plus en plus à de la torture.

Donc seulement 35% des personnes ont remis en question l’autorité du Dr et la légitimité de cette expérience qu’ils savaient très douloureuses. Selon que le personnage en blouse blanche donnait les ordres de façon neutre ou sèche, ils ont pu dire qu’ils se refusaient à exécuter ces ordres.

Toute cela pour dire que l’esprit critique n’a été que trop peu activé dans cette expérimentation qui, si elle avait été réelle, les décharges allant jusqu’à 450 Volts, elle aurait causé la mort des acteurs.

C’est dans l’après-coup que les expérimentateurs ont souvent pu se rendre compte de ce qu’ils avaient accepté de faire, sans trop s’opposer, au nom de la « science ». Certains ont même été traumatisés en réalisant de quoi ils avaient été capables.

Et vous savez quoi ? Si l’on exerce ici encore notre esprit critique, on peut aussi remettre sérieusement en question l’éthique d’une telle expérimentation, basée sur le mensonge et sur l’utilisation de la torture. Il est évident que les expérimentateurs ne pouvaient ressortir psychiquement indemnes d’une situation tellement culpabilisante, car certes, ils justifiaient pour la plupart qu’ils ne faisaient qu’obéir aux ordres d’un « supposé expert » et que la responsabilité pèserait uniquement sur lui. Seulement c’est bien les expérimentateurs qui avaient actionné le levier déclenchant les décharges électriques à une personne qu’ils ne connaissaient pas. Ils étaient devenus associés, complices de la figure d’autorité.

  • Le principe d’économie

La tendance naturelle de l’homme est toujours de s’économiser. Economiser ses efforts physiques car il faut les « garder » à leur intensité maximale en cas de réel danger. (Et c’est pour ça que faire du sport est devenu dans l’idée de beaucoup une corvée, un effort trop coûteux… ????). La même tendance est observée à propos de l’énergie psychique, car tout comme le musculaire, la réflexion est un effort, qui demande des qualités de curiosité, de volonté de savoir, donc de recherches approfondies et non plus seulement « de surface ».

L’homme moderne est bien moins actif que les générations qui l’ont précédée. Son corps s’est désengagé de l’effort : fini le labeur au champs avec la seule aide des animaux, et les lessives à la main au bord de l’étang à 2km de la maison. La réflexion a suivi le même chemin et nous sommes arrivés à adopter une expression reconnue mais pourtant sans origine véritable, celle du « moins j’en fais, mieux je me porte ». Si vous cherchez l’origine de cette maxime, vous risquez de chercher en vain.

Mais autour de vous, en observant les conversations, vous voyez bien que leur contenu n’est pas souvent le fruit de la réflexion ; il s’agit la plupart du temps d’échanges de politesses et de remarques psychiquement non engageantes, par exemple sur la météo du jour, ou ce que les enfants de chacun auront dans leur journée…

  • Les biais cognitifs :

Nous n’en parlons que trop peu, mais les biais cognitifs sont en corrélation étroite avec la diminution de recours à l’esprit critique. Ces biais sont aussi appelés « distorsions cognitives »; En somme, il s’agit de nos manières de penser, qui sont en effet déformées et donc non objectives. Mais nous prenons cependant ces pensées comme vraies. De là nos appréciations rigides et donc non ouvertes à la critique.

Les biais ont évidemment une utilité non des moindres.

Ils représentent des raccourcis dans nos analyses des événements, ils permettent de catégoriser, de ranger le monde, dans des cases, sans passer des heures à analyser chaque élément en détail. Certes ce serait plus juste, mais nous n’aurions plus le temps pour faire quoi que ce soit d’autres. Il ne s’agit donc pas là de chercher à détruire cet outil qui nous simplifie grandement le quotidien. Mais simplement d’en prendre conscience pour ne pas l’utiliser systématiquement, notamment sur des questions qui touchent des sujets essentiels : nos libertés, notre politique gouvernementale, nos besoins vitaux pour nous épanouir, etc. je vous propose ici quelques exemples de biais cognitifs que nous utilisons tous, maintes fois dans la journée, sans nous en apercevoir. L’extrait n’est pas exhaustif mais vous donne des pistes d’analyse sur vos propres pensées, ou celles des autres ????

Biais Description Exemple
Abstraction sélective On a tous tendance à ne retenir qu’un détail d’un événement et l’interpréter hors de son contexte.
On va aider la personne à se remémorer d’autres éléments de la situation pour qu’elle ait une vision plus contrastée et équilibrée des choses.
On attend ce qui est prédit (ex : faire une attaque de panique dans le train). Si la prédiction est vraie « je le savais bien ». Si la prédiction est fausse : elle est ignorée ou détournée : « c’était un coup de chance ».
Untel a renversé son verre sur moi : la soirée était nulle !
(Alors que pourtant on s’amusait).
Disqualification du positif Transformer une expérience neutre ou positive en un vécu négatif. C’est une sorte d’alchimie inversée : on transforme l’or en plomb. Exemple (sentiment d’imposture) :
Ces compliments ne comptent pas vraiment car ils ne savent pas qui je suis réellement… 
Inférence arbitraire (conclusion hâtive) Conclusions tirées sans preuve évidente et on y adhère sans même s’en rendre compte.
Cela impacte ses pensées, ses comportements et donc le maintien des troubles.

Cas particuliers :
lecture des pensées (divination) : lorsqu’on croit connaître les pensées d’autres personnes en se basant sur des indices peu signifiants.

erreur de voyance : faire des prédictions sur le futur et y croire fortement.
Exemple chez une personne dépressive :
Je vais rester seul(e) toute ma vie !
Il n’a pas croisé mon regard, il doit penser que je suis indigne de confiance !
Le prochain traitement ne marchera pas mieux que le premier, c’est certain !
Personnalisation Relier des événements particuliers à sa propre personne.
Cela est très fort lorsqu’on est enfant, cela fait partie de notre développement. Cela peut être très exacerbé dans des pathologies.
Chez des personnes très angoissées par exemple.
Il nous arrive à tous également de prendre nos rêves pour des prémonitions. La notion d’être plus ou moins en phase avec la réalité est à concevoir comme étant sur un continuum.
Ce qui arrive est de ma faute !
Or il y a peut-être plein de raisons qui expliquent cela.
Maximisation du négatif / minimisation du positif Ne retenir que les événements négatifs (dramatisation) et négliger les positifs, exagérer ses erreurs et minimiser les points forts.
Tendance à ne se souvenir que des feux rouges et pas des verts… Des jours de pluie et pas du beau temps.
Chez les personnes dépressives ce biais va être très fort.
J’ai échoué à cet exercice, je suis vraiment un raté, un bon à rien du tout !
J’ai trouvé la solution au problème mais c’était un simple coup de chance.
Raisonnement dichotomique Loi du tout ou rien, sans nuance intermédiaire.
Plus on sera dans des situations qui touchent à nos zones de vulnérabilité, plus on raisonne de façon dichotomique.
Si une situation n’est pas sûre à 100 % elle est forcément dangereuse.
Si je sens des palpitations, alors je vais faire un infarctus.
Raisonnement émotionnel Considérer ses sentiments comme des preuves. Si je suis angoissé tout le temps, c’est bien la preuve qu’il y a quelque chose qui ne va pas.
Si je suis attiré, c’est que cette personne cherche à me séduire.
Surgénéralisation Règle générale édictée à partir d’un fait spécifique. Elle n’a pas voulu sortir avec moi. Je sais bien que je n’arriverai jamais à sortir avec une fille.
Fausses obligations (« musturbation ») Se fixer arbitrairement des buts à atteindre.
On a tous des règles de fonctionnement dont on n’est pas toujours conscient. Ce système va favoriser certaines actions.
Quand le patient a l’impression de modalités de choix restreintes il faut essayer de trouver ses règles sous-jacentes.
Je dois, il faut que…
Je dois absolument faire tout le ménage chez moi aujourd’hui.
Etiquetage Jugements définitifs que l’on pose sur soi-même ou sur les autres.
Manière de catégoriser, de stigmatiser.
Cette personne est un monstre !
Je suis complètement

Avant de conclure, une question subsidiaire pour poursuivre notre réflexion

L’appauvrissement du vocabulaire joue-t-il un rôle dans notre capacité de jugement ? Ou de réflexion ?

En 2009 le magazine « Sciences humaines » expliquait en chiffre la dégradation progressive du niveau scolaire (sur 20 ans : 1987 à 2007) sur les bases minimales que sont la lecture, l’écriture et le comptage.

Les études ont conclut en effet qu’en lecture « deux fois plus d’élèves (21 %) se trouvent en 2007 au niveau de compétence des 10 % d’élèves les plus faibles de 1987 ». En orthographe, les 10,7 fautes moyennes de 1987 sont devenues 14,7 en 2007 et les 26 % qui faisaient plus de 15 erreurs il y a vingt ans sont aujourd’hui 46 %. Les compétences en mathématiques ne rééquilibrent rien puisqu’entre 1987 et 1997 le score en calcul a connu « une baisse importante » suivie d’un tassement la décennie suivante.

Cette baisse de niveau reflète une diminution de l’emploi des capacités sur les outils de la réflexion : la lecture, l’écriture, et le calcul sans lesquels il devient très difficile d’analyser les situations avec un souci d’objectivité. Faire fonctionner son esprit critique c’est être capable de remettre en cause des conclusions, de formuler d’autres hypothèses, d’adopter d’autres angles de vues, de lire différentes sources de connaissance, de comparer les chiffres qu’elles avancent, et encore d’aller vérifier si ces chiffres sont exacts ou lancés à l’aveuglette avec pour seul objectif de paraître convaincants. En 2020, nous pouvons sérieusement constater que les jeunes présentent de plus en plus de difficultés dans la qualité de leurs apprentissages, certains parlant moins bien le français, leur langue maternelle, que des étrangers arrivés depuis peu en métropole.????????…

Pour le fun (parce que je suis fatiguée après ce loooong article, on va quand-même essayer d’en rire…)

Si vous êtes fan de Rap (par exemple), il est très probable que vous constatiez en effet un appauvrissement du vocabulaire, entre les grandes références des années 90 et celles d’aujourd’hui.

Cfyu (victoire de la musique 2009!?) : « Mon public sont des gens intelligents »…

Le 113 : « On sait c’est qui qui domine » (j’appellerai plutôt le 115 moi)

Sniper : « Ce serait mentir si j’dirais que c’est pareil »

Disiz la peste : « Parce qu’eux ils croivent que nos halls pourra pas ». (Hormis la catastrophe de conjugaison, je reste dans l’incapacité de vous éclairer sur le sens entier de cette phrase. Navrée de cette carence. Quoique …????…????)

Et afin de ne pas être accusée de sexisme, je vous donne le final, mon must, ma perle qui supplante de loin tous les autres :

Aya Nakamura, extrait : « J’suis pas ta catin Djadja, genre en Catchana baby tu dead ça ».

(Perso, elle me tue!! Il n’y a pas UNE chanson dont je suis arrivée à capter le sens…ou l’essence… Bon, j’ai pas non plus fait preuve d’une grande patience j’avoue)

Enfin, tout ça pour dire que si l’on compare avec un bon vieux NTM (ok, niveau provoc on n’est pas mieux lotis sur le choix du nom), on sent quand-même bien qu’il y a une différence de recherche dans les mots, les métaphores, une certaine poésie, des allitérations, des rimes riches… Une maîtrise de la grammaire française bon sang!!

Enfin moi je dis ça je dis rien. M’enfin bon : Y’a URGENCE non ?